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Indice des “ponts par million d’habitants” Des experts critiquent l’approche québécoise

La méthode québécoise de calcul de la nécessité du tunnel Québec-Lewis est remise en question alors que le maire de Sorel-Tracy s’en prend au bâton du pèlerin pour doter la ville de son premier raccordement fluvial.

Posté à 20h

Presse Vincent Larin

Henri Wellet-Vezina La Presse

Le gouvernement Lego a dévoilé jeudi un nouvel indicateur pour justifier la nécessité du tunnel Québec-Lewis, “PPM”: le nombre de “ponts par million d’habitants”. Cette mesure critiquée n’inclut pas la population des villes de Longueuil, Laval ou Brossard, par exemple, mais celle de Lévis est incluse dans le cas de Québec.

La plupart des experts consultés par La Presse sont catégoriques : la référence à l’indice « ponts par million d’habitants » ne supporte tout simplement pas l’eau. “C’est un peu ridicule. On compare des choses qui ne sont absolument pas comparables. D’abord, le ratio Montréal/couronne est d’environ 50-50, alors qu’au Québec le ratio est plutôt de 80-20 avec la Côte-Nord. Ça ne génère pas les mêmes volumes », explique Pierre Barrio, spécialiste en planification des transports à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

“En fait, il ne faut pas parler de ponts par personne, mais plutôt de routes. Huit ponts à deux voies contre deux ponts à quatre voies, c’est une seule et même chose. Si on veut être sérieux, il faut avoir les bons indicateurs », a déclaré M. Barrio, pour qui la question des camions n’est d’ailleurs « pas du tout la même » à Québec et à Montréal, notamment.

Après tout, pour M. Barrio, “PPM” n’est probablement qu'”une illustration à utiliser à des fins de démonstration politique”.

La réalité est qu’il faut aussi inclure la concentration des emplois, les transports en commun, l’environnement. Montréal est un archipel, alors que Québec borde un fleuve. Ce n’est pas du tout la même chose.

Pierre Barrio, spécialiste en planification des transports et chargé de cours à l’UQAM

Même son de cloche avec Shin Koseki, titulaire du Département de paysage urbain de l’UNESCO à l’Université de Montréal. “Je suis très surpris par l’idée d’un indice pont d’un million. J’ai de grands doutes sur la valeur scientifique d’un tel indice. S’y référant, le rapport [induit la population en erreur] sur l’utilité du projet pour la troisième connexion », accuse-t-il.

Par ailleurs, même si cet indice a été “scientifiquement” prouvé, ce dont M. Koseki dit “douter fortement”, il n’en reste pas moins qu'”il n’est pas possible de comparer le nombre de ponts entre deux villes comme Montréal et Québec”, a-t-il ajouté. confirme, en raison des nombreuses différences géographiques et urbaines entre les deux villes.

Dans Trajectoire Québec, la réalisatrice Sarah W. Doyon est d’accord. “Nous avons été assez surpris par cette excuse, ainsi que par d’autres. “Qu’il s’agisse de PPM ou de kilomètres par habitant, quel que soit l’indice, il ne faut pas augmenter la capacité de la route à travailler”, a-t-elle insisté.

“Il n’y a pas besoin de recherche dans ce que le gouvernement nous a présenté jeudi, et il n’y a pas beaucoup de nouveaux arguments autres que des nouveaux, tous plus farfelus les uns que les autres”, a ajouté Mme Doyon.

Sorel-Tracy rêve toujours de sa première relation

Alors que les ministres du gouvernement Lego multiplient les arguments en faveur de son troisième projet de liaison dans la Capitale-Nationale, le maire de Sorel-Tracy, Serge Pelokin, dit avoir l’impression de prêcher dans le désert.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES DE PRESSE

Serge Pelokin, maire de Sorel-Tracy

“On le signale, on le veut et au ministère des Transports, le seul discours qui nous sert c’est : vous payez vous-même la formation [sur la pertinence d’un tel ouvrage reliant Sorel à Tracy]. Nous n’avons aucune aide financière [de Québec]les citoyens doivent payer pour cela », a-t-il protesté.

Or, selon lui, la nécessité d’une liaison entre Sorel-Tracy dans le secteur du Centre du Québec et Lanoray à Lanodier est évidente.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Sorel – Tracy Travers

La traverse Sorel-Tracy-Lanoray fera face à d’importants problèmes de congestion depuis le début des travaux du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, où une fermeture partielle est prévue au moins jusqu’en 2024.

Le gouvernement parle de ponts par million. Je calcule plus en ponts par minute. Les ponts les plus proches, le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine et le pont Laviolette, sont à plus de 50 minutes en voiture.

Serge Pelokin, maire de Sorel-Tracy

Des discussions “informelles” auraient eu lieu avec la ministre des Transports Chantal Roulo, qui représente aussi la conduite de Pointe-aux-Trembles, a indiqué Serge Peloken, mais elles n’ont pas été suivies.

La traversée qui relie la côte à cet endroit est la plus achalandée de la province après Tadusak, sur la côte nord, avec environ 950 000 traversées par année, dont 550 000 voitures. Avec 9,15 dollars le billet, Sorelois, qui opère de l’autre côté du fleuve, doit prévoir plus de 3 000 dollars par an pour travailler avec ses voisins de Lanor, a indiqué Serge Peloken.

De plus, un pont au site desservira toute la région, qui comprend de nombreuses villes en expansion comme Mascouche, L’Assomption ou l’est de Montréal, a-t-il précisé.