CHRISTIAN HARTMAN / REUTERSMarin Le Pen, photographié lors d’un déplacement à Valauris dans le Vaucluse le vendredi 15 avril
POLITIQUE – Et il y avait de la lumière. Depuis sa qualification pour le second tour de l’élection présidentielle, Marine Le Pen s’est retrouvée sous les projecteurs après avoir profité du paratonnerre commode érigé par Eric Zemmour et de sa candidature très radicale. Une conséquence immédiate de ce changement de paradigme est le retour progressif de la diabolisation, dont elle a tout fait pour s’en débarrasser.
Un mouvement de base qui ne se concentre pas uniquement sur sa personnalité. Depuis plusieurs jours, son programme est analysé encore plus précisément par des experts, qui pointent ses graves problèmes constitutionnels ici, où ses propositions économiques sont insolvables. Le résultat, une campagne bien plus déstabilisante que le premier tour, menée sous les radars médiatiques. Dès le premier jour des tours intermédiaires, le candidat d’extrême droite a enchaîné les couacs et les difficultés.
“Abîme de crédibilité”
Mardi 12 avril, sur France inter, Marin Le Pen assurait que «M. Bourguiba avait interdit le voile en Algérie. Problème numéro un, Habib Bourguiba était président de la Tunisie, pas de l’Algérie. Problème numéro deux, il n’a en aucun cas interdit le voile dans la rue, comme elle le prétend.
De quoi relancer le processus d’incompétence qui lui colle à la peau. “Ce terrible manque de confiance envers quelqu’un qui s’est présenté pendant des années est vraiment désarmant”, a déclaré Natalie Luazo, ancienne ministre des Affaires européennes et aujourd’hui députée LREM.
Le même jour, plus tard dans la journée. A Vernon, dans l’Air Marin, Le Pen tient une conférence de presse sur la démocratie. Qu’apprenons-nous de l’exercice ? Les dernières secondes, quand dans une formulation irritée qui contredit le sérieux avec lequel elle s’était limitée jusque-là, la candidate RN a suggéré d’exclure les journalistes du Quotidien de ses événements. De quoi remettre une pièce dans la machine à diaboliser.
“Quand l’extrême droite commence à dire ‘je choisis les journalistes qui viennent ou ne viennent pas’, ils font la même chose qu’en Hongrie. C’est-à-dire, méthodiquement, réduire progressivement, dégrader les droits », réagissait ce soir-là Emmanuel Macron lors de son meeting à Strasbourg.
Autre sujet, même format. Mercredi 13 avril, Marin Le Pen a donné une conférence de presse sur la politique étrangère qu’il entend mener alors que la guerre en Ukraine fait voler en éclat son logiciel international. Dans la salle, une militante EELV a agité une pancarte la montrant sur une photo avec Vladimir Poutine avant d’être brutalement évacuée.
L’image remplit une double fonction. Marin Le Pen renoue avec sa proximité avec l’autocrate du Kremlin, et des images d’une jeune femme traînée au sol circulent sur les réseaux sociaux et les chaînes d’information, faisant pour certains un aperçu de ce qui pourrait être l’extrême droite au pouvoir. Plus tard dans la journée, Marine Le Pen était invitée sur BFMTV. Elle a refusé de nommer le chef du gouvernement qu’elle envisage de nommer si elle est élue. La raison a déclaré: “personne n’annonce son Premier ministre à l’avance”. Mais c’est exactement ce qu’elle avait fait lors des tournées de 2017.
Dans le même temps, Marine Le Pen était également attaquée par le camp Zemmour, l’accusant de rejeter sa promesse d’un gouvernement d’union nationale, tout en rejetant l’idée de pouvoir gouverner avec la polémiste ou Marion Marshall, qui appelait encore pour un vote à partir du 10 avril. “Ce n’est que maintenant que vous comprenez que ça craint ?”, s’amuse le PDG du HuffPost de Reconquest, passé par RN.
Il reste un grand débat et une semaine
“J’ai des retours assez vifs du terrain contre elle, les électeurs de Zemmour ne comprennent pas pourquoi elle ne s’est pas unie et pourquoi elle se concentre sur la gauche. Si ça continue comme ça, il ne faut pas trop compter sur des transferts de voix en masse », prévient notre interlocuteur, qui ajoute : « On a l’impression que ça fait comme en 2017. Zéro geste envers les philonistes et à chaque fois elle l’ouvre bouche pour dire une bêtise et perdre des points.
Alors que les courbes se rapprochaient avant le premier tour, notre compilateur ci-dessous montre que l’écart s’est creusé (légèrement) ces derniers jours entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Il a dépassé huit points ce samedi pour la première fois en près de deux semaines.
Jeudi soir à Avignon, le candidat RN n’a pas dérogé à sa stratégie, appelant à un front contre Macron, où “tous les Français” sont les bienvenus. Discours lisse, qui vise à contrer cette diabolisation, qui lui revient comme un boomerang et à séduire une partie de l’électorat de Jean-Luc Mélenchon.
Pourtant, cette course effrénée à l’uniformisation à tout prix, qui vise moins à attirer les électeurs qu’à les démobiliser contre elle, comporte une part de risque pour Marine Le Pen : celui de la polémique. Illustration vendredi 15 avril sur BFMTV. Le candidat RN a affirmé qu’il ne s’agissait pas d’un référendum sur la peine de mort car ce serait “inconstitutionnel”. Problème, elle disait l’exact opposé la veille sur France 2. Un pédalage brutal, qui, contrairement au premier tour, n’échappe plus à personne. Et il lui reste encore une semaine et un débat télévisé.
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