En 2017, la candidate à l’élection présidentielle Marine Le Pen souhaitait un référendum sur la sortie de la France de l’Union européenne. En 2022, le candidat d’extrême droite a supprimé toute référence à cette proposition de son agenda. Cependant, il entend œuvrer pour “la création d’une Union européenne des nations, qui vise à remplacer progressivement l’Union européenne”.
Pierre angulaire de ses promesses de campagne, le référendum proposé par Marine Le Pen vise à changer la constitution française, dans le but de permettre à la France de “concilier son engagement européen à préserver sa souveraineté et à protéger ses intérêts”. Ce projet de révision constitutionnelle, vraisemblablement irréalisable selon les juristes et les constitutionnalistes, entraînera de nombreux contentieux avec l’Union européenne (UE) et, de fait, remettra en cause l’adhésion de la France à l’UE.
- Confirmation de la supériorité des lois françaises sur les européennes
En la modifiant par référendum, Marine Le Pen veut faire prévaloir la Constitution sur le droit international. “Une fois ce principe établi, (…) les juges français ne pourront plus invoquer les dispositions de traités ou d’accords internationaux contraires à la Constitution.”
Cependant, quel que soit le contenu de la Constitution française, les règles européennes prévoient la primauté du droit de l’Union sur le droit national des États membres. Ce « championnat » est mis en lumière en 1964 par l’arrêt Costa c. ENEL : dans cet arrêt, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) considère que « la transposition par les États de leur ordre juridique interne au profit de l’ordre juridique communautaire » conduit à « une restriction permanente de leurs droits souverains ». Ce principe a ensuite été confirmé par la déclaration № 17 annexée au traité de Lisbonne, ratifié fin 2007.
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Il y a donc deux possibilités pour un hypothétique gouvernement du Rassemblement national (RN) hostile à cet état de fait.
Le premier sera de renégocier les traités européens pour y inclure la suprématie des droits nationaux. Mais cela nécessite le consentement unanime des vingt-six autres États membres de l’UE : très peu probable.
La deuxième solution serait que la France s’affranchisse unilatéralement du principe de primauté sans rien demander à personne. Cependant, en lui désobéissant de cette manière, il ferait inévitablement face au harcèlement de l’UE, ce qui pourrait entraîner d’importantes sanctions financières (et une marginalisation politique).
Dès lors, inscrire la suprématie du droit français dans la Constitution serait un “Frexit en douceur”, estime le constitutionnaliste Dominique Rousseau dans un entretien au Monde. “Cela nous sortirait de l’Union européenne progressivement ou indirectement. »
- Rétablissement du contrôle des personnes aux frontières
La France fait partie de l’espace Schengen depuis 1995, où les gens peuvent circuler librement sans passeport ni contrôle. Cela signifie que, sauf exception, il n’est plus possible pour un pays de contrôler ses frontières avec d’autres pays européens. Le principe est que les États membres se font confiance pour contrôler l’entrée des personnes aux frontières extérieures de l’espace Schengen. Par exemple, un étranger non européen entré (légalement ou illégalement) en Italie peut voyager librement en France.
Marin Le Pen entend renégocier les accords de Schengen pour “remplacer l’absence de tout contrôle aux frontières par des procédures de passage simplifiées pour les citoyens des pays de l’Union européenne”. Apparemment, elle veut reprendre le contrôle afin de pouvoir identifier les citoyens non européens traversant les frontières.
Outre les complications pratiques que cette mesure entraînerait pour les Européens (qui ne pourront plus franchir librement les frontières intérieures de l’Europe), elle est directement contraire à l’esprit Schengen. Là encore, Marine Le Pen aurait deux options : renégocier les termes de cet accord de Schengen, en obtenant l’unanimité des États membres sur un nouveau texte (ce qui est peu probable) ; ou reprendre unilatéralement le contrôle des frontières françaises, exposant le pays à d’éventuelles sanctions.
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- Surveillance des frontières pour lutter contre l’entrée de marchandises frauduleuses
Comme pour les humains, les biens peuvent circuler librement au sein du marché unique européen depuis 1993. Les États membres se font confiance pour vérifier mutuellement la conformité des produits non européens aux normes européennes (sanitaires ou environnementales) lorsqu’ils pénètrent sur leur sol. Par exemple, un lot de bœuf canadien qui est contrôlé pour la première fois à son arrivée dans un port allemand n’est pas revérifié à l’entrée en France.
Marine Le Pen s’oppose à ce système : “Un pays doit savoir quelles marchandises entrent ou sortent de son territoire”, écrit le candidat dans son émission, convaincu que “seuls les contrôles aux frontières peuvent assurer la conformité des marchandises destinées au marché français”.
Revenant à la libre circulation des marchandises, l’une des quatre “libertés fondamentales” de l’UE, Marine Le Pen devra à nouveau obtenir le consentement unanime de vingt-six autres pays européens (ce qui est peu probable) ou désobéir en s’exposant à des sanctions.
- Réduire drastiquement la contribution de la France au budget européen
Une simple ligne dans le coût du programme de Marin Le Pen promet : “Réduire la contribution de la France au budget de l’UE” permettrait de récupérer 5 milliards d’euros par an.
Le demandeur feint de ne pas savoir que le montant de la contribution n’est pas volontaire : il est le résultat d’un calcul qui tient compte du revenu national brut, de la TVA, des droits de douane, etc. “Les termes du plan de financement pluriannuel doivent être renégociés avec tous les États membres”, a déclaré Tanya Racho, docteur en droit européen et membre de l’équipe Les Surligneurs.
Il est trop tard pour le prochain quinquennat, le dernier plan voté couvrant la période 2021- 2027. Dès lors, la seule option offerte à Marin Le Pen serait de décider unilatéralement de ne pas verser l’intégralité de la contribution française : ne pas France sur les contentieux et les sanctions financières.
- Créer une priorité nationale pour l’emploi, le logement et les minima sociaux
“Réserver les allocations familiales aux familles ayant au moins un parent, c’est français”, “établir une priorité nationale pour l’accès au logement social et étudiant”, préserver l’emploi des Français : si Marine Le Pen entend contourner l’inconstitutionnalité de ces propositions par la révision de la la constitution française, elles resteront contraires au droit de l’Union européenne, quoi qu’il arrive.
L’article 18 du traité sur le fonctionnement de l’UE interdit toute discrimination fondée sur la nationalité, et la CJUE a déjà statué que les Européens doivent avoir les mêmes droits en matière de logement et de travail lorsqu’ils s’installent dans un autre pays de l’UE. “Un citoyen européen doit être traité comme un citoyen”, a déclaré l’avocate Tanya Racho.
Face à cet obstacle juridique, Marine Le Pen pourrait être tentée de choisir finalement la “priorité européenne” afin de donner la priorité aux citoyens européens sur les étrangers hors Europe. Mais même diluée, cette mesure irait à l’encontre de la Charte des droits européens fondamentaux, qui interdit dans son article 21 toute discrimination fondée sur la nationalité sous la protection de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).
A partir de là, Marine Le Pen se verra proposer deux solutions : sortir de la CEDH – ce qui signifie quitter l’UE immédiatement, ce qu’elle a exclu – ou “arrêter d’envisager [de ses] opinion » – ce qu’elle veut, mais qui est interdit et placerait la France dans le club des pays qui ne respectent pas les décisions de la CEDH, aux côtés de l’Azerbaïdjan, de la Turquie et de la Russie.
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- La fin du travail indépendant
Instaurées par une directive européenne de 1996, les dispositions sur le travail détaché permettent aux entreprises de l’Union de mettre à disposition des travailleurs temporaires dans d’autres États membres sans être considérées comme des travailleurs dans le pays d’accueil.
Dans son programme, Marin Le Pen promet de “supprimer les oeuvres publiées”, un système qui, selon elle, incite à “l’élimination des…
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