ENVIRONNEMENT – Elle ne veut plus voir personne. Le sort des éoliennes du programme de Marin Le Pen est sans équivoque : tous les projets de construction seront stoppés si le candidat du Rassemblement national est retenu et le parc existant sera entièrement démantelé. Le solaire, pour sa part, s’en sort un peu mieux, avec un moratoire sur les futures constructions.
“Aberration” s’est exclamé Emmanuel Macron à France Bleu jeudi 14 avril. Le candidat à la présidentielle s’est pour sa part engagé dans le développement massif de l’éolien offshore, avec une cinquantaine de parcs en exploitation en 2020 : cela correspondrait à 40 gigawatts produits, soit 20 % de la consommation nationale d’électricité. Un programme ambitieux… Pour la France, qui avec 8% d’énergie éolienne aujourd’hui est très en retard sur le sujet par rapport à ses voisins européens.
Éoliennes, trouble de la bouche pâle.
Dès lors, le projet de Marin Le Pen est d’aller dans le sens inverse de cette expansion, en réduisant la production éolienne de 7,9 % du mix énergétique français à absolument rien d’ici 2030. Disparition pure et complète de la filière dont elle n’est pas la seule A candidate à A inclure dans son programme, Eric Zemmour, a également annoncé qu’il fermerait “toutes les éoliennes” s’il remportait l’élection avant d’échouer au premier tour.
Pourquoi tant de haine ? Le candidat d’extrême droite a plusieurs arguments pour abattre les grands arbres à métaux, qui sont aujourd’hui au nombre de 8 000 en France. D’abord, celle de leur capacité de production. Une éolienne produit en moyenne 3 mégawatts/heure, mais le vent ne souffle pas en permanence. On estime que ces derniers fonctionnent 75% du temps, c’est ce qu’on appelle le facteur de capacité.
France Energie Eoliennes Puissance installée des éoliennes en France
Cette périodicité pour le candidat est le principal motif de disqualification des éoliennes. Une énergie qui, contrairement à la chaleur, à l’hydraulique, mais toujours à l’énergie nucléaire, n’est pas maîtrisable, ce qui veut dire que quand le vent s’arrête, la production baisse, et quand elle augmente, c’est l’inverse et on n’y peut rien.
L’argument n’est pas valable pour François Cono, professeur à l’Ecole des Mines de Paris : “La probabilité qu’il n’y ait plus de vent nulle part dans l’ensemble du parc éolien européen est nulle. Ce qui signifie que cela n’arrive presque jamais. L’arrêt de l’éolienne au niveau local est toujours compensé par un surplus : il y en aura toujours une qui produira de l’électricité quelque part, et c’est cette électricité qui sera ensuite envoyée au réseau. »
Mais ce n’est pas la seule critique : le président du Rassemblement national est aussi à l’origine du « pillage irréversible de nos paysages », de la dévalorisation des terrains autour des hélices ou encore du prix à payer par les Français pour faire fonctionner la filière. . Marin Le Pen veut “restituer aux ménages les cinq milliards versés en subventions” pour les énergies vertes et, en premier lieu, les éoliennes.
A court terme, un possible retrait de la théorie…
Alors continuez avec les moulins à métaux. Marine Le Pen peut-elle, durant son mandat, libérer la France de l’énergie éolienne sans que la tension du secteur ne soit trop élevée ? “Le système électrique français est aujourd’hui largement exportateur”, précise le Réseau de transport électrique (RTE), qui permettrait en théorie d’entretenir cette pénurie de production… Mais en théorie seulement.
Le professeur Kono est en effet catégorique : « Il n’est pas possible dans l’état actuel du réseau électrique français de couper l’éolien à court terme de manière indolore. Centrale électrique, vous ne pouvez pas l’allumer et la chauffer tout de suite. Cela prend quelques dizaines d’heures au mieux. » Pour lui, la proposition de Marin Le Pen est donc techniquement non viable, car l’éolienne offre la flexibilité que n’offre pas une centrale nucléaire en termes d’adéquation à la demande.
Par ailleurs, RTE précise qu'”au-delà de l’horizon 2030-2035, l’augmentation de la consommation d’électricité, conjuguée au début de la fermeture des réacteurs nucléaires les plus anciens, conduira progressivement la France à l’épuisement de l’électricité décarbonée pour répondre aux besoins, ” prévient. Or EDF estime que la première paire de réacteurs EPR ne pourra pas être livrée avant 2035-2040…. 8% du parc éolien, même à peine entretenu en l’état, fera alors cruellement défaut. Pas seulement la production française, mais aussi les engagements pris.
… Et contrairement à tous les engagements français
Si élue, Marine Le Pen a été claire : “Je commencerai par geler les projets en cours, notamment les projets offshore, puis je lancerai le chantier de démantèlement des éoliennes existantes”, un projet qu’elle a décrit dans une interview à BFMTV, le 1er mars. Mais l’État peut-il faire demi-tour du jour au lendemain après la signature des contrats ? Certains d’entre eux très récemment, comme le chantier du parc éolien flottant de Port-la-Nouvelle, dans l’Aude.
“Évidemment, cela conduirait à un contentieux très grave avec des implications financières énormes pour l’État français”, a déclaré Bernadette Ferrarese, co-directrice du master de droit de l’énergie à l’université Lyon 3. Les parcs éoliens bénéficient d’un régime d’aides publiques qui a été convenu et qui est basé sur des mécanismes juridiques. Ainsi nuire à leurs activités du jour au lendemain les amènerait à dire qu’ils subissent un préjudice économique très important et pour lequel ils vont demander réparation à l’État. »
De plus, une directive de l’Union européenne entrée en vigueur en 2018 impose l’objectif suivant aux États membres : 32 % de la consommation finale d’énergie doit provenir de sources renouvelables. Si l’on ajoute à cela la suppression du parc éolien, cet objectif “serait difficile à atteindre”, reconnaît Bernadette Ferrarez. Cependant, le professeur de droit précise que même ces règles sont gravées dans le marbre par la loi [art.100-4 du code de l’énergie], bien souvent le législateur ne respecte pas ses propres dispositions. Il est donc tout à fait possible que ces objectifs ne soient pas atteints. »
En contrepartie, le pari risqué de tout le nucléaire
Chers, peu performants, moches… Quel qu’en soit le prix, Marin Le Pen veut laisser les éoliennes aux oubliettes. Au prix de bousculer sérieusement le mix énergétique français et ses objectifs pour les années à venir. Ainsi, dans son plan décennal de développement, RTE envisage de multiplier par cinq le nombre d’éoliennes terrestres en 15 ans par mix électrique, les renouvelables atteignant généralement 50 % de la production en 2035.
Pour compenser cet abandon, le programme présidentiel du RN prévoit un recours massif au nucléaire, l’allongement de la durée de vie de tous les réacteurs à 60 ans, la réouverture de la centrale de Fesenheim et la construction d’une vingtaine de réacteurs. réacteurs EPR d’ici 2036. Ce programme ambitieux porte le nom de : Marie Curie. Mais il y a aussi des malfaiteurs. A commencer par les acteurs français du nucléaire eux-mêmes.
Rassemblement National Le mix électrique français proposé par Marin Le Pen.
Ainsi, RTE a élaboré plusieurs scénarios dans lesquels la production d’électricité nucléaire occupe une place variable dans le mix électrique selon la part de l’énergie. Son scénario catastrophe, qui envisage l’atome fournissant 50 % de notre électricité en 2050, repose sur la construction de 14 EPR, ainsi que de plusieurs mini-centrales (« SMR »).
Poussez les centrales électriques jusqu’à 70 ans
Ce scénario suppose également une utilisation maximale des capacités déjà installées : « Cela implique l’exploitation du parc nucléaire existant le plus longtemps possible et le développement du nouveau nucléaire de manière volontariste et diversifiée », prévient le rapport. En d’autres termes, le maintien d’une production nucléaire confortable en France nécessitera désormais un engagement fort des pouvoirs publics. Dans ces conditions, celle de Marin Le Pen donne le tournis.
Le candidat à la présidentielle envisage en effet d’augmenter entre 75% et 80% la part du nucléaire dans le mix électrique français, contre 67% aujourd’hui. Un plan « tout nucléaire », dont aucun scénario élaboré par les autorités en charge de la gestion du parc n’a jusqu’à présent été envisagé.
Un think tank très pro-nucléaire, Cérémé, a pourtant imaginé un avenir où la même proportion serait attribuée à l’atome, i. 80 % du mix électrique en 2050. Pourtant, dans son enthousiasme, le rapport précise encore qu’il faudra allonger la durée de vie des installations existantes à 70 ans, et non 60, comme le souhaiterait Marin Le Pen. Je ne suis pas sûr que le Service de sûreté nucléaire, déjà préoccupé par l’état de la marine française, confirme de tels projets.
L’environnement, grand perdant
Mais la dette la plus importante peut être envers l’environnement, sans offenser le mouvement d’extrême droite, qui revendique un “mix 100% bas carbone” à long terme. Bien sûr, l’énergie nucléaire a un net avantage sur …
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