L’entrée cette semaine de deux députés d’extrême droite au cabinet de l’Assemblée nationale, l’instance chargée d’organiser le fonctionnement de la vie parlementaire, suscite une légitime inquiétude. Sébastien Chenu (Nord) et Hélène Laporte (Lot-et-Garonne) ont été élus vice-présidents mercredi 29 juin au premier tour du scrutin à la majorité absolue, remportant respectivement 290 et 284 voix. A ce titre, ils pourront présider des réunions publiques et participer aux décisions du bureau aux côtés de leurs quatre collègues du PS, d’Horizons, du MoDem et du LFI.
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Pour un parti qui défend les préférences nationales, un principe qui va à l’encontre des valeurs républicaines telles que définies par la Constitution, cette intronisation vaut presque un adoubement. En tant qu’individualistes, les écologistes ont essayé de le bloquer. Ils ont présenté leurs propres candidats à la dernière minute, mais leur incapacité à recueillir des voix, y compris à gauche, montre à quel point le Front républicain est devenu inefficace. En pleine négociation, les autres groupes sont plus soucieux de diviser les positions que de bloquer un parti qu’ils tentent plus ou moins vigoureusement d’écarter depuis plus de vingt ans.
Le comportement de la majorité présidentielle est encore plus déroutant : certains de ses élus ont bien voté à bulletin secret en faveur des deux députés RN, tandis que l’objectif affiché d’Emmanuel Macron depuis 2017 est de repousser l’extrême droite. , et que le président doit en partie ses deux élections à un mécanisme du Front républicain.
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Aurore Berger, la présidente du groupe Renaissance, a justifié cette situation en affirmant que la majorité ne “doit pas choisir son opposition” mais “doit imposer la volonté des Français”. En effet, le RN vient d’obtenir 89 députés à l’Assemblée nationale dans le cadre du scrutin majoritaire à deux tours, ce qui ne lui est fondamentalement pas favorable. C’est la seule formation politique qui bénéficie d’une dynamique électorale lors de la campagne pour les élections législatives.
Bien sûr, ostraciser les députés de ce parti risque de renforcer la stratégie de Marine Le Pen de démasquer un « système » qui la rejette. Mais lui permettre d’accéder à deux postes de vice-président contribue, au contraire, à lui faire franchir une nouvelle étape : après la banalisation, le voilà RN en voie de notalisation, avec à la clé des moyens financiers et humains importants et, plus encore , une sorte de reconnaissance publique en temps de majorité relative. C’est exactement ce que recherche son chef de groupe.
Cécité coupable
Les mauvais choix auxquels sont confrontés les partis républicains sont le résultat de leur aveuglement coupable. Année après année, ils baissent la garde, dupés par l’opportunisme de Marine Le Pen qui, selon l’opinion et les circonstances, dénonce la protection du pouvoir d’achat et laisse dans l’ombre ce qui a toujours été au cœur de l’identité de son parti. : le rejet de la population vivant en France.
Toujours actif lors de la dernière élection présidentielle, le Front républicain s’est effondré lors des élections législatives. Certains à droite ont abandonné parce qu’ils ne voyaient plus le problème ; d’autres, au sein de la majorité, l’ont fait par calcul électoral, dans le vain espoir de sauver quelques sièges ; d’autres, à gauche, se sont rangés à ses côtés pour tenter de rouvrir le jeu politique.
La réalité est qu’année après année le jeu, au contraire, tend à se refermer comme un étau, une situation toujours plus favorable au parti d’extrême droite.
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